"Marie Stuart" de Friedrich von Schiller (1800) mis en scène par Stuart Seide (Théâtre du Nord, 2009)

Publié le par Irene Cadel

Elisabeth Ière (Cécile Garcia Fogel) et Marie Stuart (Oceane Mozas). Deux reines, l'une règne sur l'Angleterre envers et contre les autres nations catholiques, l'autre est prisonnière et pitoyable. Celle qui demandait asile au retour de la France, après avoir embrassé le papisme, se trouve être condamnée pour avoir fomenté le complot d'assasiner la Reine d'Angleterre. Condamnée à la peine capitale.

Schiller présente une tragédie romantique, le destin d'une reine déchue, Marie Stuart, dont la solitude grandeur s'affirme alors que le pouvoir d'Elisabeth Ière est traversé de forces contraires, apparaissant toujours plus instable et indécis. Durant le drame, Elisabeth Ière ne cesse de s'assurer  auprès de son Conseil : la Stuart représente-elle un danger pour elle ? doit-elle demeurer en vie ? peut-on exécuter une Reine ? et comment alors porter cet acte barbare sans passer pour un despote auprès de son peuple ? Le destin de la Stuart est aux prises avec la véhémence des discours portés par le Conseil, l'un exigeant son exécution pour raison d'Etat, l'autre plaidant la clémence. Un personnage politique apparaît ambivalent, ancien amant de la Stuart, il est devenu le favori d'Elisabeth Ière. Si Marie lui porte une confiance aveugle, quand est-il vraiment de son coeur et de son courage ? Est-il prêt à trahir sa Reine ? Sera-t-il à la grandeur de cet Autre personnage, véritable héros romantique, emporté par sa foi et prêt à tout pour sauver la Stuart ?

Derrière le conflit des deux pouvoirs et la légitimité sans cesse accusée, on trouve les dualismes des hommes et de l'exercice du pouvoir royal : qu'est-ce qui distingue le roi du tyran ? le pouvoir de la force ? la justice du crime ? N'est-ce pas juste à la lisière d'une ordonnance muette, inaudible, invisible et pourtant qui porte exécution ?


Stuart Seide, directeur du Théâtre du Nord depuis 1998, offre une lecture de ces dualités très intéressante tout en jouant avec les codes génériques des personnages. L'espace scénique est constamment occupé : les acteurs sont sur la scène même s'ils ne jouent pas. C'est leur éclairage et leur discours qui dès lors attirent notre attention ; l'autre, l'adverse est également là, muet mais visible. Dans ces alternances de scènes où la Stuart habillée d'une simple étoffe se désespère auprès de sa servante, on voit également Elisabeth silencieusement assise sur son siège royal, et le Conseil se divertir aux jeux d'échecs. Comme c'est étonnant ... moi je pensais alors à une "leçon" de Constantin Stanislavsky demandant à ses élèves de rester assis sur scène, et leur démontrant la difficulté de l'exercice car sur scène tout ce qui s'y passe doit avoir un but, même si vous restez simplement assis... et je me suis dit qu'il était peut-être plus difficile pour ces acteurs d'être là muets et exposés au regard tout en devant rester concentrés sur le sens spirituel de leurs rôles et éviter surtout de nous regarder nous le public. Ce choix donne aussi un autre sens à la pièce originale en nous rendant témoin de ce que l'auteur avait souhaité occulter, renversant parfois la lumière au profit de l'ombre. 

La mise en scène de Stuart Seide favorise l'ambivalence générique de certains personnages et les accents shakespeariens du théâtre de Schiller dans ses moments essentiels : la plaisante expression de la monstrueuse lâcheté et l'amusant désarroi d'un messager incapable de comprendre son devoir ... démontrant, par cette situation tragique et grotesque, la faiblesse du pouvoir politique que seule la Peur gouverne.

Au Théâtre du Nord, Marie Stuart jusqu'au 31 janvier 2009
Le dossier artistique sur le site du théâtre

Publié dans Théâtre

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